MOUVEMENT
REPUBLICAIN ET CITOYEN
TRIBUNE DE CHRISTOPHE LEPAGE PARUE DANS LE QUOTIDIEN
FRANCE SOIR (ÉDITION DU 03/09/03)
Moins d'Etat ? Non !
L'Etat ne peut pas tout faire... Adaptez-vous ! Voilà en substance le message,
qui n'est pas sans rappeller celui du Premier ministre Lionel Jospin après le
naufrage de Vilevoorde, délivré par Jacques Chirac, le Président de la République
le 14 juillet à tous ceux qui dénoncent la nouvelle loi sur les retraites, les
atteintes à l'Education nationale et aux services publics ou la réforme du régime
des intermittents du spectacle. Oubliée, la fracture sociale ! Oubliée l'égalité
républicaine ! Après avoir expliqué aux Corses qu'il fallait répondre oui à
une collectivité unique dotée d'un statut particulier, le chef de l'Etat nous
explique en somme que l'Etat ne peut plus grand chose si ce n'est... baisser
les impôts et attendre le retour de la croissance.
Pourtant, ceux qui avaient voté Chirac par défaut pour éliminer Le Pen en mai
2002 n'avaient jusqu'ici pas à se plaindre du Président. La première année du
mandat fut plutôt une "divine surprise". Une attitude courageuse, visionnaire
et exemplaire dans l'affaire irakienne, le refus de l'unilatéralisme américain
sur la scène internationale, un souci de placer le développement des pays du
sud au coeur du message de la France, la promotion d'une diplomatie laïque,
la défense dans le débat sur la future constitution européenne de l'exception
culturelle française... Autant de positions qui permettaient sur le plan intérieur
le retour de la République et de mettre fin à la résignation sociale-libérale.
Et bien non ! Nouveau coup de vent et changement de cap : défense du libéralisme
provincialiste du gouvernement Raffarin, appels à accompagner la mondialisation
libérale ont ponctué le discours du Chef de l'Etat.
Le message du 21 avril n'a donc été entendu que d'une oreille (distraite ?).
A quoi bon un message républicain fort sur la scène internationale si c'est
pour accepter sans broncher les effets de la mondialisation libérale et la dictature
des marchés financiers sur la scène intérieure ? Certes, jacques Chirac a bien
remis en question les objectifs du pacte de stabilité budgétaire européen dont
il était au demeurant un des plus fervents partisans, mais sans conviction,
tant la réponse stéréotypée de la Commission était attendue.
Mais les citoyens ne veulent pas moins d'Etat. Ils veulent un Etat restauré
dans ses fonctions premières de garant de l'égalité des droits et des devoirs,
un Etat garantissant la sécurité des plus faibles et engageant une véritable
politique de l'emploi. Surtout, un Etat garant de la justice sociale. Ce qui
a choqué les Français, ce n'est pas la réforme nécessaire du système des retraites
mais le fait qu'elle se traduise, de fait, par un régime à deux vitesses où
les plus riches pourront se payer une retraite correcte via les fonds de pension,
alors que les autres verront leurs pensions se dégrader. Ce que ne supportent
pas les créateurs, intermittents du spectacle, ce n'est pas la sauvegarde de
ce régime particulier, mais le sentiment d'injustice lorsqu'on les abandonne
à la réforme du Medef sans d'abord mettre fin aux abus des employeurs qui ont
conduits le système à la dérive. N'est-ce-pas aussi le message des corses qui,
sous couvert de décentralisation et de discours sur la République des proximités,
ne veulent pas être abandonnés par l'Etat ? Face à un sentiment d'abandon qui
dure depuis trop longtemps, les Français attendaient simplement autre chose
que le discours de l'impuissance.
Christophe Lepage est conseiller
régional MRC d'Ile-de-France.