MOUVEMENT REPUBLICAIN ET CITOYEN
Lettre électronique de GEORGES SARRE

L'Europe ou le cimetière des démocraties
15 juin 2004

Les élections européennes du 13 juin ont confirmé tous les pronostics. Aucun débat n'aura donc précédé un scrutin qui reflète, bien plus que le "scepticisme" des Français et des citoyens des autres nations à l'égard de l'Europe, leur incompréhension totale, complète, d'enjeux qui ne se présentent pas et qui ne peuvent pas se présenter sous une forme politique. Seul le politique est immédiatement compréhensible et l'Europe, prétendument incarnée par un Parlement qui est tout sauf un Parlement, n'est pas politique. Il y a quelque chose de pathétique dans le discours des européistes, qui promettent, à chaque recul de la participation lors des élections européennes, qu'ils expliqueront mieux l'Europe, qu'ils en feront la pédagogie, comme si les Français (ou les autres) étaient des imbéciles et comme si la politique consistait à convaincre à coups de schémas et autres tableaux synthétiques.

L'abstention globale des 25 pays s'élève à 55% ; elle est de 57% en France, où l'extrême-gauche n'atteint pas les 3%, quand le Parti communiste se tasse à environ 5%. Le Parti socialiste parvient à rassembler 28,3% des voix. Comme en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, au Danemark, etc., l'opposition au gouvernement en place l'a emporté nettement. En France, le vote en faveur du PS est traduit comme un vote europhile - ce qui reste à démontrer : de toute façon, son " Europe sociale " est hors de portée. De même, les commentateurs se rassurent avec le bon score de l'UDF - mais tout est relatif - et pérorent sur le mauvais score réalisé par les " anti-européens ".

La vérité, qui n'est pas avouable, est que la démocratie, en Europe, est un champ de ruines. Et c'est la construction européenne qui en est la principale responsable. En effet, que l'on regarde, que l'on évalue les résultats de l'affichage du mythe d'une démocratie européenne combiné à l'organisation d'une oligarchie supranationale, sise à Bruxelles et dictant une seule et même orientation de politique économique et sociale, la vérité éclate. Cela se traduit par un taux de participation électorale en baisse constante ; des élections qui reviennent à sanctionner les occupants du pouvoir officiel sans atteindre le pouvoir officieux ; des démocraties parlementaires menacées en leur fondement même, l'Angleterre n'échappant pas à cette crise, qui voit apparaître en son sein un parti indépendantiste ; des pays libérés du rideau de fer qui, de la démocratie, ont fait l'expérience du marché américain couplé à la technocratie bruxelloise, et dont les électeurs désertent les urnes.

L'Europe est le cimetière des démocraties.

De façon encore confuse, l'hostilité à la construction européenne se confirme dans nombre de pays : En Suède, un parti eurosceptique rassemble 14% des voix ; en Autriche c'est un social-démocrate en rupture avec le SPÖ qui réalise 14% sur une thématique hostile à l'actuelle construction européenne ; au Royaume Uni, l'UKIP rassemble 17% des voix ; le Sinn Fein fait un score de 11% en Irlande ; aux Pays-Bas, c'est même un ancien fonctionnaire européen, Paul Van Buitenen, qui rassemble 7% des électeurs sur une ligne hostile au fonctionnement de la capitale communautaire… Toutes ces listes ont un point commun : elles ont fait de la démocratie, c'est-à-dire de la question du pouvoir de la collectivité sur elle-même, l'axe central de leur campagne. Quelles que soient les limites de ces expériences, elles reflètent la volonté des citoyens des pays européens de s'opposer au trompe-l'œil démocratique imposé par la construction européenne.

L'Europe est dans une impasse. Elle constitue un horizon pour les élites des Etats-nations, mais pas pour les citoyens. Contrairement à certaines affirmations péremptoires, les peuples ne sont pas " plus européens que leurs gouvernants " ; ils saisissent au contraire le fossé qui sépare les aspirations de leurs gouvernants des attentes politiques qu'ils peuvent exprimer par leur vote. D'où l'importance de l'abstention.

Le MRC doit en tirer une leçon : l'avenir, pour notre parti, consistera à faire de la critique de l'Europe, bien plus, du rejet de l'Europe (ce mythe au service d'une oligarchie constituée pour imposer et préserver un seul modèle économique, et rien d'autre), le point de départ de sa reconquête républicaine.

Georges Sarre est maire du XIe arrondissement de Paris et porte-parole du MRC.

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