MOUVEMENT REPUBLICAIN ET CITOYEN
Lettre électronique de GEORGES SARRE

Un référendum contre l'oligarchie !
27 avril 2004

Tony Blair a annoncé, le 20 avril 2004 aux Communes, que la future " Constitution européenne " serait soumise à référendum. La raison pour laquelle il a opéré ce que tous les commentateurs ont appelé une " volte-face ", craignant sans doute qu'une telle décision ne condamne le texte rédigé sous la houlette de Valery Giscard d'Estaing, ne se distingue en rien de celle qui pousse Jacques Chirac à ne pas s'engager en faveur d'une consultation populaire : il n'est question que d'opportunité politique.

Sous la pression des conservateurs et de la presse populaire, en particulier le Sun de Rupert Murdoch, qui annonçaient, des élections européennes de juin 2004 aux législatives du printemps 2005, une longue campagne de harcèlement contre la " Constitution européenne ", le premier ministre britannique a choisi de se donner de l'air et de promettre un référendum pour… 2006. L'habileté a ses limites et il possible que les élections de 2004 et 2005, si gênantes, se transforment en référendums anticipés...

Cependant, Tony Blair a un atout dans sa manche, dont ne dispose précisément pas Jacques Chirac : la vision qu'il se fait de l'Europe est relativement conforme à sa réalité - à savoir une zone de libre-échange partenaire des États-Unis. Il aura beau jeu d'expliquer que l'Union européenne n'est pas un " super-État fédéral " et de démonter, une par une, les exagérations abracadabrantesques d'une presse de caniveau. Sa force est que la Grande-Bretagne ne s'identifie pas à l'Europe.

Le secret espoir de Tony Blair, en reculant au maximum la date du référendum, outre le souci de ses intérêts électoraux, est sans doute que la " Constitution européenne " soit rejetée dans d'autres pays : ainsi la Grande-Bretagne ne porterait pas, seule, la responsabilité d'un blocage de la construction européenne…

Il sera en revanche plus difficile, pour les dirigeants politiques français, de vendre une Europe-puissance, une Europe sociale, bref, sous ces deux variantes de droite et de gauche, une Europe française : personne n'en veut hors la France et c'est en vain que l'on en chercherait quelques traces, hormis d'ordre symbolique, dans la " Constitution européenne ". L'Europe est un projet français ; l'Europe fédérale, un fantasme français ; l'Europe sociale, une rêverie française. D'où les réticences de Jacques Chirac à soumettre le futur traité constitutionnel à référendum.

Le seul enjeu, pour les élites politico-administratives des États, est de préserver l'autonomie idéologique et décisionnelle qu'elles se sont donnée grâce à l'Europe en échappant à tout contrôle démocratique. L'intérêt de Tony Blair est qu'il y ait un référendum ; celui de Jacques Chirac est qu'il n'y en ait pas. Ce sont des intérêts parfaitement convergents… Quand Tony Blair proclame : " La question [est] de savoir si ce pays, la Grande-Bretagne, veut ou non être au centre et au cœur du processus de décision en Europe ", il faut comprendre : " Est-ce que ces satanés britanniques vont enfin me laisser participer tranquillement au centre et au cœur du processus de décision en Europe ? " L'annonce d'un référendum a été, pour Blair, le seul moyen d'obtenir des marges de manœuvre plus importantes en Europe…

L'Europe, il faut bien le comprendre, n'est rien d'autre que le mot recouvrant la soif d'autonomie des élites dirigeantes par rapport à leurs concitoyens.

Par-delà les conflits - parfois violents - qui les opposent, ces élites se retrouvent sur un point : la nécessité de consolider leur système institutionnel et normatif d'autonomie politique.

On dit qu'avec la volte-face de Tony Blair, Jacques Chirac a perdu un allié de poids. Mais il trouvera en Gerhard Schröder un partenaire fidèle tout disposé à se prêter à la comédie d'un Congrès franco-allemand permettant d'effacer, par le symbole, le déni de démocratie d'une non ratification populaire en France.

Mais il n'y a pas de fatalité. Il est possible d'obliger Jacques Chirac à organiser, contre sa volonté, un référendum sur la " Constitution européenne ", en se mobilisant, dans la rue, dans les médias, en faisant signer des pétitions dans les entreprises, les bureaux, les quartiers et les villages. Nous ne devons pas nous tromper sur les raisons qui appellent la tenue d'une telle consultation populaire. La construction européenne nous a menés dans une espèce d'au-delà du politique où les concepts servent à désigner des réalités qui leur sont très rigoureusement opposées. Pas plus que le Parlement européen n'est un parlement, la " Constitution européenne " n'est une constitution, du moins au sens où nous les entendons dans nos démocraties. C'est précisément parce que le " projet de traité constitutionnel pour l'Europe ", fait par et pour les élites dirigeantes de l'Europe communautaire, n'est pas une constitution démocratique, mais une espèce de charte oligarchique, qu'un référendum s'impose.

Le tenue d'un référendum sur la " Constitution européenne " est la seule façon, pour les peuples, de mettre un grain de sable dans cette formidable machine de fabrication du consensus entre élites nommée - par la captation d'un symbole se prêtant à toutes les interprétations - Europe.

Depuis la Révolution française, les peuples libres sont souverains : à trop l'oublier, l'élite européenne du pouvoir se prépare à de sérieuses déconvenues…

Georges Sarre est maire du XIe arrondissement de Paris et porte-parole du MRC.

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