La
lettre électronique de Georges SARRE
Constitution européenne : services publics en péril !
vendredi 7 novembre 2003
«
L'union offre à ses citoyennes et à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité
et de justice sans frontières intérieures, et un marché unique où la concurrence
est libre et non faussée », ainsi est rédigé l'article 3 alinéa 2 du projet
de traité constitutionnel européen. Que l'Union affirme avoir des « citoyens
» frise l'ineptie, tant les citoyens nationaux sont ramenés par l'UE au rang
de simples allocataires de droits généralement en retrait par rapport aux droits
en vigueur dans les nations membre de l'UE. Le plus grave concerne bien évidemment
l'affirmation selon laquelle la « concurrence est libre et non faussée ». On
nous ressort le dogme libéral de la « concurrence pure et parfaite » censée
conduire au bien être général. Concrètement, les effets de cet article seront
simples : d'ici une décennie la totalité ou presque des Services publics auront
été démantelés. Il est évident pour les libéraux que l'Hôpital public, l'Ecole
publique faussent la concurrence en ne permettant pas au marché de jouer son
rôle salvateur et aux cliniques et école privées d'obtenir les parts de marché
qui devraient logiquement leur échoir. L'article 3 du projet de traité constitutionnel
est dangereux mais il n'est pas né de rien. De l'Acte unique à Maastricht, il
y a une logique dans le processus qui aboutit aujourd'hui. Le comprendre, c'est
s'armer pour l'avenir.
L'emprise des grandes entreprises sur la construction européenne n'a, depuis,
cessé de se confirmer par la suite. Quand Jacques Delors arrive à la tête de
la Commission européenne, en 1985, c'est la Table Ronde européenne des Industriels
qui lui fournit un mémorandum relatif au marché intérieur. Ce texte, conçu au
travers du seul prisme de l'intérêt des grandes multinationales, sert de base
à la relance européenne, basée sur l'édification d'un marché unique à l'horizon
de 1992. Le consensus autour de l'Acte unique s'est bien réalisé à partir d'un
Livre Blanc dont la copie originale n'était autre qu'un texte d'orientation
produit par le patronat européen.
L'oublier, c'est perdre de vue la profonde nocivité du système communautaire.
La mécanique infernale mise en place voici plusieurs décennies est simple :
le « faire l'Europe » passe par « défaire les services publics » au profit de
grands groupes financiers et de leurs actionnaires. La seconde démarche conditionnant
l'absorption de pouvoirs étendus et nouveaux par « la société européenne de
Bruxelles ». On place l'économique, le social hors le champ démocratique ; on
tue le politique et les politiques qui relèveraient notre pays. Il y a une logique
implacable de l'intégration communautaire, une logique qui allie appétit du
marché et appétits de pouvoirs de gouvernants en panne de projets. Les membres
de l'ERT (1) ou de UNICE (2) se félicitent d'une situation qui leur permet de
faire valoir leurs points de vue beaucoup plus efficacement et qui leur permet
de maximiser leurs profits. Pour faire accepter l'inacceptable on nous parle
du « coût de la "non-Europe" », censé légitimer toute avancée même létale. Il
faudra un jour soulever le problème du « coût » de l'Europe communautaire, non
en termes budgétaires, mais en termes de coûts économiques, sociaux, démocratiques
et humains.
Le traité de Maastricht, signé à la fin de 1991, est la pierre angulaire de
cette architecture complexe, dont le traité de Rome constitue les fondations.
Maastricht introduisait la monnaie unique dans la vie de millions d'européens.
Promesse de croissance, de plein emploi et de bonheur, l'euro fort a pourtant
produit les mêmes effets que la politique du franc fort. Les Services publics
sont vitaux pour notre pays, essentiels dans la vie de nos concitoyens.
La Poste, la SNCF, EDF, GDF, la RATP ont rendu le développement de notre pays
possible et facilité la vie de nombre de Français. Quand un bureau de Poste
ferme, c'est le lien social qui se délite encore un peu plus. Qui peut s'étonner,
dans un contexte de retrait généralisé de l'Etat, des progrès d'un individualisme
agressif et de son corollaire qu'est la baisse du sentiment citoyen. Le « toujours
moins » expédie notre modèle social dans l'exil intérieur du souvenir collectif.
Pendant ce temps, la propagande joue son rôle. L'inscription dans la Charte
des droits fondamentaux des « services d'intérêt économique général » ou celle,
dans l'article 3, de « l'économie sociale de marché » est présentée par les
européistes comme l'argument massue contre les « sceptiques », ceux qui osent
analyser le texte et le fonctionnement de l'UE tels qu'ils sont. Ne parlons
pas du très incantatoire objectif de « plein emploi », présenté comme gage d'avenir
radieux par la propagande hystéro-communautaire. Cela prêterait à rire si cela
n'était pas si grave… Les objectifs lénifiants de ce texte sont un hochet dans
les mains de militants béats d'une cause fondée sur la déraison ou le mensonge.
Retenons le texte de la troisième partie du projet de Traité qui, dans ses articles
69 à 73, confirme totalement les orientations de l'article 3. Les faits rien
que les faits, est-on obligé d'objecter à nos amis européistes. Lorsqu'on lit
que les « Etats membres conduisent leurs politiques économiques pour contribuer
à la réalisation des objectifs de l'Union » (Article III-70), on décèle l'élément
d'un éventuel dispositif juridique de contrainte aux mains de la Commission
comme de la CJCE. Les autres articles relèvent de la même logique.
Effectivement, l'article 3 du traité constitutionnel et la présentation qui
en est faite laissent sceptique tout démocrate sincère. L'étalage de contre-vérités,
d'écrans de fumée dialectiques pauvrets, voire de mensonges éhontés, est révoltant
et l'est d'autant plus que ce texte engage l'avenir de nos peuples. A nous donc
d'aller convaincre, sans complexe aucun, qu'il faut refuser cette logique que
l'on souhaiterait nous voir accepter tacitement. Un référendum est nécessaire,
c'est aux peuples de décider.
(1) ERT : Table Ronde européenne des Industriels, rassemble un grand nombre
de firmes multinationales européennes.
(2) UNICE : rassemble le patronat européen.
Georges Sarre est porte parole du
Mouvement Républicain et Citoyen