La lettre électronique de Georges SARRE

Europe,le système implosera-t-il ?
10 juin 2003

L’Europe continuera donc de se faire sans les peuples, sans les citoyens, par la seule volonté des élites et un perpétuel donnant-donnant, garant de la pérennité d’un système de pouvoirs bureaucratiques.

Valéry Giscard d’Estaing était bien l’homme de la situation pour parvenir à faire s’entendre tous les membres de la « Convention » et à donner aux Etats un projet de « constitution » clé en main à renégocier au gré des revendications nationales et des rapports de force. Les Etats ont bien joué, les fédéralistes un peu moins. Madrid est parvenu à faire entendre sa voix et conservera les acquis de Nice. La Grande-Bretagne obtiendra que le Parlement européen ne puisse se prononcer sur la personne du Président de la Commission, les petits Etats auront pour leur part réussi à voir le futur président du Conseil privé de sa qualité d’exécutif pour obtenir celle, plus honorifique, de « chairman », ils auront également obtenu un délai pour voir la Commission être réformée. La « fédération » européenne ne verra pas le jour.

Les Etats gardent en effet et logiquement l’essentiel du pouvoir. Jamais, dans toute l’histoire de cette « Convention », les Etats ne se sont désintéressés du débat qui y avait lieu, mieux ils ont constamment orienté les discussions et Valéry Giscard d’Estaing a eu depuis les origines le souci constant d’obtenir l’acquiescement des capitales européennes afin de préparer au mieux la future CIG. Au sein de la « Convention », les élites se sont entendues, ont exposé leurs points de vue et ont parlé un même langage par delà leurs différences linguistiques. Curieuses discussions en fait que celles qui occupent ces politiques coupés du peuple. « Europe démocratique » ? « Europe puissance » ?

Les mythes ont la peau dure. Ils ont servi à légitimer l’action de ceux qui, éloignés des citoyens, se sont attelés à réformer le système de pouvoir qui se développe depuis le Traité de Rome. Il n’y a pas de camp « intergouvernemental » ou de camp « fédéraliste » parmi les Etats, il n’y a pas de débat entre confédération et fédération, il n’y a que l’instrumentalisation habile du Parlement européen et des fédéralistes par les Etats et la saisissante réalité d’un système de pouvoirs bâti hors le champ démocratique pour permettre à ses promoteurs de se passer du consentement populaire.

L’Europe communautaire est une affaire dont se désintéressent les peuples : les taux de participation aux référendums organisés dans les pays candidats en sont un exemple. Enthousiasme des élites, indifférence ou défiance des peuples. Ultime leurre lâché par les ilotes du système communautaire, la distinction entre « Europe européenne » et « Europe américaine », censée camoufler l’abyssale vide caractérisant ce système, est reprise, martelée par les médias et les responsables politiques. Inventer des adversaires est encore ce qu’il y a de mieux pour remporter des victoires faciles en trompe-l’œil.

Pense-t-on réellement que l’Europe communautaire a, un seul moment, laissé ouverte la question de l’indépendance du continent européen ? Pense-t-on qu’il existe une Europe européenne possible intégrant Londres, Varsovie ou quelque autre satellite de Washington ? Pense-t-on enfin que l’on puisse dans le même temps invoquer l’Europe européenne et nier le droit à Paris et Berlin de former un axe politique cohérent au sein du vieux continent ?

Pointons les incohérences de nos adversaires, elles sont flagrantes et ne rendent que plus grandes leur terrible responsabilité dans la crise de nos démocraties. Le système oligarchique qui se développe à échelle du continent doit laisser la place au réveil des démocraties. Tout d’abord en France, un référendum doit être organisé pour ratifier le texte qui sera adopté le 21 juin 2003. Il est nécessaire qu’un débat vienne éclairer les Français sur ce qui se prépare et les graves conséquences qui en découleraient.

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