La lettre électronique de Georges SARRE

"L'illusionniste de l'intérieur" (Corse)
29 avril 2003

Ainsi donc, le ministre de l'Intérieur se livre sans discontinuer à une campagne électorale assidue pour convaincre les électeurs français inscrits en Corse de voter, le 6 juillet prochain, en faveur du quatrième nouveau statut de l'île en deux décennies. Il y multiplie les voyages. Bientôt, il y retournera avec le Premier Ministre. Nicolas SARKOZY s'y promène en serrant les mains et en tapotant les joues des petits enfants, sans oublier de " poutouner " ostensiblement des bises devant les caméras, comme s'il était candidat à quelque poste soumis au suffrage universel.

Dans un premier temps, ses interlocuteurs ethnicistes ont prôné l'abstention. Officiellement, ils reprochaient au projet de ne pas complètement éradiquer jusqu'au souvenir de l'existence de deux départements. En réalité, ils savent bien que pour une très grande partie des habitants de l'île, ils sont un repoussoir avec leur objectif d'indépendance. Alors, ils ont pensé préférable de ne pas soutenir ouvertement le texte du gouvernement afin de ne pas dissuader un grand nombre d'électeurs de se prononcer en sa faveur.

Cette attitude a vite inquiété Nicolas SARKOZY à un double titre. D'une part, il veut se présenter aux yeux de tous les Français comme le grand réconciliateur " moderne ", qui ne laisse au bord de la route, et encore malgré lui, que les " archaïques " qui, nostalgiques, rêvent d'une République " jacobine ", qui serait condamnée et dépassée. D'autre part, il n'est pas sûr que son statut soulève l'enthousiasme. Aucune voix ne doit lui manquer, surtout s'il veut un plébiscite sur sa personne. Pour compenser l'effet repoussoir des ethnicistes, il lui reste alors à s'engager dans cette campagne électorale, comme nous en sommes les témoins.

Sur le fond, le discours de Nicolas SARKOZY consiste à créer l'illusion, comme si un scrutin pouvait se confondre avec une baguette magique pour résoudre d'un coup tous les problèmes. D'abord, les mots utilisés sont bien souvent détournés de leur sens véritable pour susciter la confusion. Ainsi, péremptoire, il affirme : " nous sommes tous républicains ". Quelle que soit l'influence que conserve le parti bonapartiste dans une partie de la Corse, et notamment à Ajaccio, il existe néanmoins peu de monarchistes dans l'île. En vérité, ce projet de statut, comme l'ensemble des intentions de Jean-Pierre RAFFARIN dans le domaine de la décentralisation, s'inscrit dans une démarche de déconstruction de la République. La France ne se confond pas avec une addition de collectivités territoriales. Elle est un espace historique de débat public entre les citoyens qui la composent. Toute fragmentation l'affaiblit.

Ensuite, Nicolas SARKOZY refuse de prendre en considération les véritables intentions de ses interlocuteurs ethnicistes. Il explique à qui veut se laisser facilement séduire que son statut, s'il est adopté, assurera la tranquillité dans l'île pour une génération. Or, les ethnicistes ne cachent même pas qu'ils voient dans ce texte une simple étape, une modeste marche. Ils continuent de réclamer toujours plus dans le sens du démantèlement. Avec le temps, les divers responsables politiques auraient dû comprendre qu'avec ce type de partenaires tout compromis se transforme en compromission, toute concession devient une capitulation, toute négociation même est considérée comme un aveu de faiblesse.

Enfin, Nicolas SARKOZY veut ignorer le sens des attentats qui se poursuivent en Corse.

Chacun veut personnellement obtenir sa part de gâteau dans cette décomposition de l'ordre public républicain. Le jeu de la libre concurrence se règle alors à l'explosif. Déjà insupportable en soi, ce mode " d'expression " devient véritablement odieux, quand les agressions ont ouvertement un contenu raciste. D'ailleurs, le silence de nombre de professionnels continentaux de la vertu indignée devant les attentats visant les Marocains de Corse soulève bien des interrogations.

La stratégie de Nicolas SARKOZY ne résout et ne résoudra aucun problème. Au contraire, elle les aggrave et les amplifie, quand elle n'en crée pas de nouveaux. Le seul moyen d'arrêter cette inquiétante dérive vers l'aventure et l'inconnu est de rejeter le texte soumis à référendum insulaire le 6 juillet prochain. La France, et donc la Corse, en tirerait le plus grand bénéfice, en freinant pour le moins la frénésie décentralisatrice.

Aussi, nous soutenons tous ceux qui appellent au rejet de ce quatrième statut. Emile ZUCCARRELLI et Nicolas ALFONSI sont notamment des responsables politiques lucides et courageux. En hommes de gauche, ils font preuve d'un authentique esprit républicain. Loin de faire peur en parlant d'indépendance, comme ils en sont accusés par le ministre de l'Intérieur, ils veulent que les termes du débat démocratique ne soient pas obscurcis par les illusions d'une communication habile.

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