La
lettre électronique de Georges SARRE
" La France
n'est pas multiculturelle "
21 janvier 2003
La
France est une République laïque. La France n'est pas une société multiculturelle.
Au prétexte que la religion musulmane doit s'organiser en France, certains,
y compris au sein de l'actuel gouvernement, veulent remettre en cause la loi
de 1905, instaurant la séparation des églises et de l'Etat. A leurs yeux, la
laïcité devrait être adaptée à une France devenue multiculturelle.
Le problème est que la laïcité n'est pas une idéologie qui peut prendre diverses
formes. La laïcité est un principe dont la mise en oeuvre se traduit par la
séparation entre le champ du débat public et la sphère de la vie privée. Remettre
en cause la loi de 1905, c'est réintroduire la religion dans l'espace public.
Bien plus : la remettre en cause au prétexte que la France serait devenue multiculturelle,
c'est assigner de fait une partie de nos concitoyens dans une " communauté "
dite musulmane, en fonction de leurs origines.
En effet, la République ne reconnaît aucun culte, et donc ne les subventionne
pas. En revanche, elle ne les ignore pas. D'ailleurs, c'est bien le seul moyen
pour assurer une véritable liberté de culte. En même temps, elle fait montre
de souplesse et de compréhension historique et sociologique. L'exemple le plus
connu est celui de l'Alsace Moselle, où subsiste toujours le concordat de Napoléon.
On peut encore citer l'existence des différentes aumôneries.
La concertation sur l'organisation de l'islam appartient à cette intelligence
des situations. Il ne s'agit pas de s'ingérer dans le culte musulman. Il faut
simplement permettre aux citoyens qui se déclarent musulmans de s'y reconnaître.
L'Etat intervient donc dans un souci de transparence et d'ordre public. Il est
donc pleinement dans son rôle. En revanche, il transgresserait ses propres principes
s'il venait à subventionner.
On nous dit alors que nombre d'imams sont désignés par des autorités étrangères,
parce que celles-ci financent. Aujourd'hui, c'est entièrement vrai. D'ailleurs,
l'un des objectifs de la concertation engagée est de mettre fin à cette situation.
Aux musulmans français de désigner leurs desservants en fonction des règles
conformes à leur culte.
Toutefois, si l'islam de France devait, après modification de la loi de 1905,
bénéficier de fonds publics, qui désignerait les imams ? Les Préfets, les Maires
ou je ne sais qui encore ? A moins, évidemment, de verser de l'argent des contribuables
sans contrôle.
De plus, il faudrait étendre un tel financement aux autres cultes. Il faudrait
aussi arrêter la liste des cultes bénéficiaires et procéder donc à des choix.
Enfin, comment compter les fidèles de chaque culte ? Sur quels critères, selon
quelles modalités ? Quelles seraient pour chacun dans sa vie personnelle les
implications réelles de l'option qu'il aurait retenue ? Pourrait-il en changer
et comment éviter les pressions de natures diverses ? Dans quelle catégorie
classer ceux qui ne se reconnaissent dans aucun culte, dans aucune religion
? Comment leur assurer l'égalité avec les croyants ?
On voit bien
que la remise en cause de cette loi quasi centenaire poserait plus de problèmes
qu'elle n'en résoudrait. L'arrivée de l'islam en France ne change pas fondamentalement
les données de la laïcité. En revanche, il revient aux musulmans d'adapter leur
culte à un contexte, qu'ils ignorent jusqu'à présent. Le catholicisme a bien
fini par l'accepter, ce fut long et difficile. Il suffit d'avoir en mémoire
les nombreux affrontements que suscite la séparation de l'église et de l'Etat.
Aussi, vouloir changer la laïcité pour la conformer aux désirs de certains musulmans,
c'est vouloir mettre l'islam entièrement à part. Alors, serait introduit dans
la société française le ver du multi culturisme, de l'enfermement dans les communautarismes
et, par conséquent, de la déconstruction de la République et de la citoyenneté.
Continuons donc d'appliquer, sans la modifier, la loi de 1905, mais comme toujours,
avec intelligence et discernement. On sait bien qu'il existe là, sur le plan
local, quelques compromis, quelques accommodements. Loin d'être des hypocrisies
ou des transgressions honteuses, il s'agit d'éviter toute interprétation mécaniste
ou dogmatique, tout refus de ne pas accepter le réel. Il convient seulement
que ces souplesses restent bien dans le cadre des textes en vigueur.