La lettre électronique de Georges SARRE

" Au delà de la guerre "
18 mars 2003

La guerre aura lieu. Depuis longtemps, nous savions que cette guerre était commencée. Le président Georges Bush voulait cette guerre. Rien ne peut empêcher l'hyper puissance de déclencher la guerre. Pourtant, il fallait s'y opposer, il faut encore s'y opposer et la condamner. Pourtant la résistance diplomatique n'aura pas été inutile, car il y avait une alternative lourde de conséquences pour l'avenir. Soit, cette guerre, sera une pure agression, menée par les seuls Etats-Unis avec leurs supplétifs, soit cette guerre, couverte par des lambeaux du droit international, était une hypocrisie, qui aurait jeté l'opprobre sur les Nations Unies.

C'est la France qui, par la position opiniâtre et courageuse du Président de la République, Jacques Chirac, et du Ministre des affaires étrangères, a empêché que l'ONU devienne un simple auxiliaire, servant à couvrir la volonté de domination des Etats-Unis. Soyons sûrs que sans l'ardeur de la France, la Russie et la Chine auraient exprimé un peu de désapprobation avant de finir par s'abstenir. Le pacifisme du gouvernement allemand n'aurait peut être pas survécu longtemps à la campagne électorale de l'été dernier. Les autres membres du conseil de sécurité n'avaient pas les moyens de s'opposer, ou tout au moins de s'opposer efficacement. La protestation massive des peuples aurait été vaine. C'est la France qui a enclenché la dynamique conduisant à l'isolement diplomatique des Etats-Unis. Malheureusement, nous ne disposons pas de la puissance nécessaire pour empêcher l'ouverture des hostilités, pour que se poursuive le travail des inspecteurs.

Quoiqu'il en soit, la France a quand même obtenu un résultat remarquable. Pour réussir, elle disposait de son droit de veto. Il a joué un rôle important en donnant une crédibilité juridique à sa position. Mais, il n'était pas politiquement suffisant pour contrer les pays anglo-saxons, quand ces derniers ont cherché une " majorité morale " au conseil de sécurité. Ils avaient des arguments sonnants et trébuchants, qui auraient pu séduire des gouvernements, connaissant souvent de réelles difficultés économiques. Certes, le comportement à la fois arrogant et méprisant des Etats-Unis n'a pas été pour rien dans leur refus de les suivre. La France leur proposait seulement de dépasser ces contingences immédiates pour esquisser un système international où chaque nation aura sa place. La France a ouvert concrètement la perspective d'un monde multipolaire où les règles et le droit international seront respectés.Malgré ses limites, un tel succès ne doit pas rester sans lendemain. La fenêtre ne doit pas être refermée, avant même que la lumière ne soit véritablement entrée. Il convient donc de bien comprendre les conditions qui ont permis cette avancée. La première est le fait que la France dispose d'un droit de veto.

Or, divers responsables politiques français ont encore récemment proposé soit que nous transmettions notre qualité de membre permanent à l'Union Européenne, soit que nous partagions notre siège avec tel ou tel pays, notamment l'Allemagne. Il est évident que si cette idée avait été retenue, l'initiative française aurait eu un écho bien plus faible et peut être même nul.

Aujourd'hui, la politique étrangère commune n'existe pas. Mais si les quinze pays de l'Union Européenne, sans parler des pays candidats, avaient dû se mettre préalablement d'accord : au mieux nous serions arrivés à une paralysie mutuelle ; au pire, nous nous serions alignés sur les Etats-Unis tout au plus en maugréant. Présentement, la France a ainsi retrouvé sa vocation, qui est de défendre les nations, et d'abord la nation française, face aux empires, quels que soient ces empires.

Toutefois, on nous dit que la France est protégée contre des représailles commerciales américaines par l'Union Européenne et par l'OMC. Les règles de ces organisations empêcheraient les Etats-Unis d'organiser le boycott des produits français. C'est tout simplement oublier que ces organisations sont avant tout le fer de lance de la mondialisation libérale. Et, précisément, celle-ci est à la base de la puissance impériale des Etats-Unis. Sans elle, ce pays n'aurait pas pu accumuler la dette colossale dont il est redevable vis-à-vis du reste du monde. Cette dette ne permet pas seulement le train de vie de ses habitants, elle finance aussi son avance technologique et son désarmement.

La France ne peut donc pas s'arrêter sur ce succès diplomatique. Il lui faut proposer une autre architecture du monde. Cette architecture doit reposer sur l'indépendance et la coopération des nations. Elle doit aussi inclure le dialogue permanent des civilisations. Surtout, elle ne peut laisser à la seule loi du profit l'organisation de l'économie. De même, la France ne peut se laisser enfermer et ligoter par une construction européenne, qui ne reconnaîtrait pas à chaque peuple son droit à agir librement sur la scène du monde.

Si la France ne veut pas en rester à un coup d'éclat sans lendemain, il y a là une ambition collective pour notre peuple qui pourrait nous permettre de sortir par le haut des difficultés de la conjoncture. Car, pour retrouver le chemin de l'emploi, il faut aussi une volonté politique et ne plus s'abandonner et se soumettre à la seule main invisible du marché.

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