La lettre électronique de Georges SARRE

"Bagdad-Bruxelles"
28 mars 2003

Le fracas des bombardements américains sur l'Irak, le caractère inouï de l'équipée meurtrière anglo-américaine au coeur de la Mésopotamie ne peut éclipser l'importante évolution qui se déroule en Europe et qui est la conséquence même de la " crise irakienne ". Tout semble aujourd'hui remis en cause en Europe.

Le système de répartition des pouvoirs qu'est l'Union européenne est ébranlé dans ses fondements mêmes. La croyance en une capacité des élites européennes à créer de toutes pièces une démocratie européenne ou une puissance européenne vole en éclats. Rien ne semble plus camoufler la profonde crise intellectuelle qui frappe les élites des pays de l'Union européenne, sauf une intense et désespérée propagande inspirée par l'obstination et l'obsession de voir s'édifier un château de cartes idéologique. La propagande, c'est la déclaration incantatoire de gouvernants européens appelant à l'édification d'une " Europe de la défense ". La propagande c'est également les déclarations de certains responsables européens assurant qu'entre Paris et Berlin d'une part et Londres ou Madrid d'autre part il y avait accord sur la nécessité de bâtir un monde multipolaire et que le choix des uns comme celui des autres avait pour seul but d'éviter toute hégémonie américaine. Grotesque mensonge ou erreur funeste ? La marche forcée, la fuite en avant peuvent encore servir à faire avancer cette curieuse machine qu'est l'Europe communautaire mais pour combien de temps ?

Les réactions de fédéralistes comme Daniel Cohn-Bendit à l'hypothèse d'une initiative franco-allemande sont révélatrices d'une tendance lourde des partisans de l'Europe communautaire à bannir de leur propre continent les notions de puissance ou de politique. Alors que Paris, Berlin et Moscou s'entendent pour s'opposer à la mainmise américaine sur le Moyen-Orient, certains thuriféraires de l'Europe communautaire proposent de leur adjoindre Londres ou Ankara. La Convention de Valéry Giscard D'Estaing n'a désormais d'autre enjeu que d'entretenir le plus longtemps possible le statu quo et d'organiser l'impuissance en ponctuant son travail de grandes déclarations à valeur d'écrans de fumée.

L'Europe communautaire a plusieurs natures : elle est d'abord un système de pouvoirs permettant à des gouvernements de créer des contraintes en vue de contourner les aléas du suffrage universel, elle est ensuite un système organisé autour de l'expertise et du jeu des groupes de pression, elle est enfin un système de croyances se substituant à des idéologies supposées, à tort ou à raison, périmées et disparues.

Au confluent de ces trois dimensions du système communautaire se retrouvent toujours les notions d'efficacité et de profit. Le ciment d'un tel système ne peut être qu'une solide et inébranlable foi en " l'Europe " vécue comme produit de substitution aux croyances du passé. L'Europe est une sorte de religion générique".

De notre coté, sachons opposer l'analyse des faits à la croyance. Il s'agit pour la France de contribuer à l'édification d'un contrepoids à l'Amérique et à la sauvegarde de son modèle social. Dès lors, comment parvenir à faire prévaloir des choix nécessaire à la bonne marche d'un monde de plus en plus chaotique ? Faut-il s'enfermer dans un système institutionnel ou accomplir des projets concrets relatifs à la protection de modèles sociaux mis à mal par la mondialisation, à la mise en place d'infrastructures de développement, de projets de recherche etc ? La France trouvera pour ce faire un certain nombre de partenaires valables, loyaux et partageant avec elle de solides intérêts communs. Européens pour les uns, extra-européens pour d'autres, les partenaires potentiels de la France attendent d'elle une ouverture sur le monde et une politique tous azimuts.

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