La
lettre électronique de Georges SARRE
"Au-delà d'un congrès"(PCF)
04 avril 2003
Au moment où se tient son
trente deuxième congrès, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'avenir
du Parti Communiste Français, après toutes les vicissitudes qu'il a connues
au cours des dernières années. Pourtant, à moins d'être un adepte du parti pour
le parti, cette question présente un intérêt limité. Comme toutes les créations
humaines, les appareils doivent aussi décliner voire mourir pour être remplacés
par des structures plus adaptées aux temps qui viennent.
En revanche, quels que furent ses défauts, le Parti communiste a joué, au moins
dans deux domaines, un rôle positif dans l'histoire de France. Le premier est
bien connu. Il n'est donc nul besoin de revenir sur sa place dans la Résistance,
ni sur les débats qu'elle suscite encore parfois. Le second est le plus souvent
ignoré, alors qu'il est peut-être plus important pour notre pays. Le Parti communiste
a rendu sa fierté à la classe ouvrière, non sans succomber d'ailleurs à un certain
ouvriérisme. Mais, en défendant l'ouvrier et son travail, il assurait indirectement
la promotion de l'industrie dans un pays qui n'a jamais beaucoup aimé ni les
usines, ni les manufactures.
Cette aversion, dans une nouvelle vague à peine déguisée, s'est manifestée quasiment
sans retenue dès que certains théoriciens ont cru pouvoir proclamer que, désormais,
nous étions entrés dans une ère post-industrielle. L'avenir appartiendrait aux
services. La finance serait à la fois le grand régulateur et l'ultime étalon.
Alors, les fermetures de mines et d'usines sont devenues des gages éclatants
de modernité. Alors les délocalisations d'usines sont apparues comme des preuves
de coopération avec les pays du sud. Alors, le traitement social du chômage
de masse a remplacé la recherche du plein emploi. Alors, l'ouvrier a été jugé
ringardisé et le travail dévalorisé. D'ailleurs, la meilleure preuve en était
que l'ouvrier n'avait pas suivi en leur temps les jeunes " révolutionnaires
" soixante-huitards. Avec l'âge, la réussite, le pouvoir et le confort, ceux-ci
se soumettaient aux forces de l'argent, en méprisant et en brûlant l'idole prolétarienne,
la classe ouvrière qui devait amener la rédemption de la société et qu'ils avaient
tant adorée dans leurs rêveries.
Plus tard, le Parti communiste n'a pas pu, n'a pas su contrer la nouvelle offensive,
menée au nom du marché et de l'ouverture à l'Europe et au monde. Il était pris
dans le tourbillon de ses propres contradictions. Surtout, il n'a pas agrégé
cette partie de plus en plus importante de la classe ouvrière venue de pays
situés hors d'Europe.
Bientôt, le Parti communiste s'est contenté d'être une force déclinante, soucieuse
d'essayer de préserver l'acquis. Puis l'effondrement du système soviétique a
été le coup irrémédiable. A chaque élection, notamment municipale, son score
diminue. Il repose bien souvent sur des personnalités vieillissantes, qui tentent
de transmettre le flambeau quand il semble encore qu'il est temps. Il est vrai
qu'il est encore l'une des rares organisations politiques françaises à regrouper
des militants en nombre significatif.
Mais, ceux-ci sont écartelés entre deux tentations, soit le repli nostalgique,
soit une fuite en avant avec une partie de l'ultra-gauche dans une aventure
sans perspective concrète.
Beaucoup d'occasions ont été manquées. Robert Hue et sa direction n'ont jamais
pu ou su concevoir un logiciel et présenter un projet d'avenir pour la France.
Fasciné par l'alliance centrale avec le PS, le Président du PCF refusa, après
l'élection législative partielle de Gardanne, la création avec le Mouvement
des Citoyens d'un pôle anti-maastrichien. Cette grande et belle entreprise n'a
pas vu le jour, le PCF jouant aux abonnés absents.
Pourtant, à Gardanne, la présence sur le terrain du candidat communiste, l'engagement
de Jean-Pierre Chevènement sur place, la présence de Edmonde Charles-Roux permirent
une mobilisation exceptionnelle. Le refus de travailler avec nous a été lourd
de conséquences. Une autre fois, le même choix négatif a été fait pour les dernières
élections européennes. Après avoir accepté, dans un premier temps, de faire
liste commune avec le MDC, le PCF se rétracta et prépara une liste bariolée
mélangeant maastrichiens zélés et anti-maastrichiens. Ce fût là encore une faute.
La logique maintenant serait de voir le PCF survivre en n'étant qu'une tendance
du PS, situé au-dehors.
Pourtant, aujourd'hui plus que jamais, la France a besoin d'un courant de pensée,
qui redonne au monde du travail cette dignité qu'il n'aurait pas dû perdre.
Avant de consommer, il faut produire. Les services ne peuvent avoir d'existence
que dans le sillage des biens matériels. La finance ne crée pas de richesses
par elle-même. L'entreprise sans usine est un mythe qui annonce la faillite.
Enfin, pour tous et pour chacun, il vaut mieux des travailleurs que des chômeurs.
Heureusement, l'atelier d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier. Mais, il faut
toujours des lieux de transformation de la matière et de l'énergie.
Nous devons toujours lutter contre notre préjugé national négatif à l'égard
de l'industrie. Nous avons donc un combat à mener contre cette inclination malheureuse,
amplifiée par l'air du temps. C'est le moyen de remettre la France au travail.
Aujourd'hui, avec la globalisation financière, le libéralisme triomphant, une
construction européenne élargie sans préparation, des attaques en règle contre
l'Etat, que peut dire et faire le PCF ? Nous le saurons bientôt !